Date : 2024
Type : Livre / Book
Type : Thèse / ThesisLangue / Language : français / French
Pragmatisme (philosophie) -- Féminisme
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Résumé / Abstract : Au sein des justifications philosophiques de la démocratie, certains arguments sont qualifiés d’épistémiques parce qu’ils mettent l’accent sur la capacité des pratiques démocratiques à identifier, définir et résoudre les problèmes sociaux. Une telle justification épistémique présente néanmoins le risque de poser la qualité des décisions comme première par rapport aux valeurs démocratiques et donc de subordonner les institutions politiques à un impératif d’efficacité. Ma thèse analyse la capacité du cadre épistémologique pragmatiste à éviter cet écueil épistocratique tout en maintenant un ensemble d’arguments épistémiques en faveur de la démocratie. Pour ce faire, je m’appuie sur l’épistémologie de John Dewey et sur son articulation avec l’épistémologie critique contemporaine, en particulier l’épistémologie féministe du positionnement et la théorie des injustices épistémiques. Ce cadre théorique sert, d’une part, à mettre en lumière le potentiel démocratique de l’enquête sur les problèmes sociaux et, d’autre part, à défendre un approfondissement de la participation démocratique pour des raisons épistémiques.À partir de l’épistémologie pragmatiste critique, je développe une critique épistémique de l’épistocratie. Je défends la capacité de pratiques épistémiques participatives à produire une meilleure connaissance des problèmes sociaux, notamment à partir de l’exemple du « recensement populaire » des personnes sans domicile en Argentine. Ces pratiques sont ainsi évaluées à l’aune des critères pragmatistes de la méthode et de la validité de la connaissance ; et elles permettent en retour de préciser ces derniers.J’analyse ensuite la manière dont cette critique épistémique de l’épistocratie conduit à repenser les institutions politiques démocratiques. Je m’intéresse tout d’abord à la théorie de la délibération, en montrant que le cadre pragmatiste conduit à défendre une approche critique interne du modèle délibératif, telle qu’on la trouve notamment chez les philosophes féministes critiques de Habermas (Iris Marion Young, Nancy Fraser et Jane Mansbridge). Puis je propose une conception pragmatiste féministe de la représentation politique. J’analyse en particulier les vertus et lacunes épistémiques des différents modes de sélection des représentants (élection, tirage au sort et pratiques de représentation sélective) et je défends, à partir du cadre pragmatiste, une certaine conception de la représentation descriptive, revendiquée notamment par les féministes chiliennes actrices et observatrices du processus constituant de 2020.Ce travail a donc pour ambition d’actualiser le pragmatisme deweyen, en le mobilisant dans un ensemble de débats philosophiques et politiques contemporains. Cette actualisation entend contribuer au renouveau de l’exégèse deweyenne en en proposant une lecture féministe qui ouvre de nouveaux champs d’usage du pragmatisme. Enfin, cet usage du pragmatisme permet d’approfondir l’apport de l’épistémologie critique à la théorie empirique et normative des institutions démocratiques.
Résumé / Abstract : Philosophical justifications of democracy are defined as “epistemic” when they claim democracy’s capacity to develop social knowledge and problem-solving. However, such an epistemic justification puts political institutions at risk of defining efficiency as opposed to democratic participation. Do social knowledge and problem-solving involve reducing the scope of political participation? Relying on John Dewey’s philosophy, I argue that such an opposition can be overcome. In order to do so, I provide a new reading of his pragmatist epistemology, through contemporary critical epistemology’s main insights, especially standpoint theories and the theory of epistemic injustice. Drawing on this epistemological framework as well as on several case studies (the French Climate Convention, the Argentinian popular census of homeless people and the Chilean constitutional process) I claim that efficiency and participation are co-dependent. I provide an analysis of the pragmatist concept of inquiry that sheds light on its democratic components. Firstly, I highlight how pragmatist inquiry on social problems requires deepening democratic practices. Secondly, I focus on the democratic outputs of such an account of knowledge, examining how it can contribute to a better understanding of the experiences of oppressed groups.Relying on this epistemological stance, I develop a pragmatist-feminist approach to political institutions. Firstly, I discuss and argue against epistocratic practices and theories, defended by both Walter Lippmann and Jason Brennan. Secondly, I sketch an account of democratic deliberation. I argue that pragmatist epistemic standards relevantly contribute to feminist critiques of Habermas’ account. I especially examine and defend the consistency of Iris Marion Young’s model of communicative democracy in the light of such standards. Thirdly, I focus on political representation, providing a pragmatist-feminist account of its democratic deepening based on John Dewey, Nancy Fraser, Iris Marion Young and Jane Mansbridge. I examine the three main models of representatives’ selection: election, sortition and descriptive selection. I argue that the pragmatist frame provides a distinctive argument in favor of descriptive selection, while avoiding this model’s main shortcomings.My epistemic approach to democracy aims at providing tools to improve democratic institutions on both political and epistemic levels. Moreover, it also contributes to update Dewey’s philosophy by confronting it to current philosophical and political issues. Finally, it promotes a stronger integration of critical epistemology into the normative political philosophy of democracy.