Vivre l'incertitude des procédures de demande d'asile : ethnographie d'un éternel recommencement / Naoual Mahroug ; sous la direction de Béatrice Lecestre-Rollier

Date :

Type : Livre / Book

Type : Thèse / Thesis

Langue / Language : français / French

Réfugiés

Réfugiés politiques -- Ethnologie -- France

Droit d'asile -- France

Risque -- Sociologie

Économie morale (histoire sociale)

Lecestre-Rollier, Béatrice (19..-.... ; ethnologue) (Directeur de thèse / thesis advisor)

Saglio-Yatzimirsky, Marie-Caroline (1969-.... ; anthropologue) (Président du jury de soutenance / praeses)

Pian, Anaïk (1980-....) (Rapporteur de la thèse / thesis reporter)

Masclet, Olivier (1967-....) (Rapporteur de la thèse / thesis reporter)

Le Courant, Stefan (1980-....) (Membre du jury / opponent)

Leservoisier, Olivier (1964-.... ; anthropologue) (Membre du jury / opponent)

Lejeune, Aude (1983-...) (Membre du jury / opponent)

Université Paris Cité (2019-....) (Organisme de soutenance / degree-grantor)

École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....) (Ecole doctorale associée à la thèse / doctoral school)

Centre de recherches sur les liens sociaux (Paris ; 2002-....) (Laboratoire associé à la thèse / thesis associated laboratory)

Résumé / Abstract : Cette recherche propose une immersion dans le quotidien des exilés demandeurs d'asile en région parisienne. En complément des travaux sur l'économie morale de l'asile, elle aborde les procédures de demande d'asile, qui ne peuvent être réduites aux conditions de production du récit d'asile ni aux deux instances qui jugent l'asile (l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile). Au croisement de l'anthropologie du sujet et de la sociologie du droit en actes, la thèse contribue à penser l'expérience de l'incertitude intrinsèque aux traversées des procédures. Pendant près de quatre ans (de février 2016 à mars 2020), j'ai mené une ethnographie des espaces de l'asile, là où les exilés parlent des procédures, les interrogent et se questionnent sur les démarches à mener. Celle-ci repose sur mon implication auprès d'eux, sur des observations au sein des permanences juridiques, des structures d'accueil et d'hébergement pour demandeurs d'asile, des files et salles d'attente de préfectures, du tribunal administratif, des cabinets d'avocats, de la CNDA, ainsi que sur des entretiens avec l'ensemble des acteurs de l'asile. Cette recherche rend compte de la réception de la politique d'asile par les exilés. L'expérience des procédures est analysée au prisme de l'endurance physique et psychique qui soutient leur quête pour comprendre les diverses procédures et décisions, et faire valoir leurs droits. L'argumentaire suit le processus de recommencement au fondement du vécu de l'incertitude : se perdre, être bloqué, cheminer, et recommencer. Les demandeurs d'asile se perdent dans les chemins de l'asile, ballottés entre les diverses administrations, juridictions et associations, bloqués dans les procédures, obligés de recommencer sans fin les démarches. C'est en cheminant, au sens propre comme au sens figuré, qu'ils parviennent à injecter de l'intelligible dans les procédures. Parcourir les chemins de l'asile, au travers des interactions quotidiennes avec les acteurs de l'asile, est un acte de résistance qui contribue à donner du sens aux règles du droit, et à tenter de s'extirper de situations insécurisantes. Les procédures laissent des cicatrices difficiles à panser. Les existences ainsi fragmentées sont marquées par l'impression de tourner en rond dans sa vie. La ritournelle de l'asile peut être si puissante que certains exilés craignent d'en « devenir fous ». L'objectif de cette thèse est de démontrer que les chemins de l'asile s'inscrivent en continuité des chemins de l'exil. Elle révèle un processus de recommencement dans les situations où l'on fait valoir ses droits, lequel pourrait être observé dans bien d'autres domaines de l'action publique.

Résumé / Abstract : This research immerses us in the daily lives of exiled asylum seekers in the Paris region. In addition to work on the moral economy of asylum, it examines asylum application procedures, which cannot be reduced to the conditions for producing an asylum narrative or to the two institutions that judge asylum (the French Office for the Protection of Refugees and Stateless Persons and the National Court of Asylum). At the crossroads of the anthropology of the subject and the sociology of law in action, the thesis contributes to thinking about the experience of uncertainty intrinsic to going through the procedures. For nearly four years (from February 2016 to March 2020), I conducted an ethnography of asylum spaces, where exiles discuss procedures, question them, and contemplate the necessary steps. This is based on my involvement with them, observations in legal advice centers, reception and accommodation facilities for asylum seekers, queues and waiting rooms at prefectures, the administrative court, lawyers' offices, and the National Court of Asylum, as well as interviews with all those involved in the asylum process. This research examines how exiles perceive asylum policy. The experience of the procedures is analyzed through the prism of the physical and psychological endurance that sustains their quest to understand the various procedures and decisions and to assert their rights. The argument follows the process of starting again, which is at the heart of the experience of uncertainty: getting lost, getting stuck, making their way, and starting again. Asylum seekers lose their way on the road to asylum, bouncing between different administrations, jurisdictions, and associations, getting stuck in procedures and having to start again and again. By making their way, literally and figuratively, they manage to inject intelligibility into the procedures. Walking the asylum path, through day-to-day interactions with those involved in asylum, is an act of resistance that helps give meaning to the rules of law and attempt to extricate oneself from insecure situations. The procedures leave scars that are difficult to heal. These fragmented lives are marked by the impression of going round in circles. The ritual of asylum can be so powerful that some exiles fear they will "go mad". The aim of this thesis is to show that the pathways to asylum are a continuation of the pathways to exile. It reveals a process of recommencement in situations where rights are asserted, a phenomenon that could be observed in many other areas of public action.