L'usage politique de l'histoire : le cas de la restauration des rivières / Déborah Abherve ; sous la direction de Gabrielle Bouleau et de Stéphane Frioux

Date :

Type : Livre / Book

Type : Thèse / Thesis

Langue / Language : français / French

Histoire environnementale

Restauration écologique

Politique de l'environnement

Cours d'eau -- France -- Rhône (France) -- Politique publique

Classification Dewey : 320

Bouleau, Gabrielle (Directeur de thèse / thesis advisor)

Frioux, Stéphane (19..-....) (Directeur de thèse / thesis advisor)

Cornu, Pierre (1969-.... ; Historien) (Président du jury de soutenance / praeses)

Blatrix, Cécile (Rapporteur de la thèse / thesis reporter)

Barbier, Rémi (19..-.... ; sociologue) (Rapporteur de la thèse / thesis reporter)

Halpern, Charlotte (1978-.... ; politiste) (Membre du jury / opponent)

Université Gustave Eiffel (2020-....) (Organisme de soutenance / degree-grantor)

École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-....) (Ecole doctorale associée à la thèse / doctoral school)

Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (Champs sur Marne ; 2015-....) (Laboratoire associé à la thèse / thesis associated laboratory)

Résumé / Abstract : Cette thèse explore l’usage politique de l’histoire dans le domaine de l’environnement. Ancrée en science politique, elle s’appuie sur l’histoire environnementale et l’analyse stratégique de la gestion de l'environnement. Son objectif est de comprendre comment la référence au passé est utilisée par les différents acteurs impliqués dans les politiques environnementales pour se faire entendre dans les luttes argumentatives. La thèse s’intéresse d’abord à la manière dont les scientifiques utilisent l’histoire à propos des politiques environnementales. Une revue de littérature exploratoire révèle que l'usage de l'histoire n'est pas limité aux historiens. Il se retrouve aussi dans les approches fondées sur la political ecology, pour bâtir un récit qui prend davantage en compte les opprimés ainsi que dans les approches qui s’intéressent au fonctionnement des systèmes socio-écologiques grâce aux apports de l’écologie historique. Cette analyse a été complétée par une enquête qualitative avec des historiens et historiennes francophones travaillant sur les questions environnementales afin d’explorer leur rapport à l'action publique. Elle identifie quatre situations types d’interaction entre histoire et action publique dans lesquelles les historiens sont amenés à jouer différents rôles : produire des savoirs pour la société, servir d’aiguillons et susciter la perplexité, coopérer pour enrichir mutuellement action publique et recherche et répondre à des commandes pour éclairer l’action publique. Les scientifiques, en sciences sociales comme en écologie, sont loin d’être les seuls à faire du passé une ressource politique. Les ingénieurs, qui dominent le processus d’aménagement et d’exploitation des rivières, font aussi référence au passé pour défendre le progrès et légitimer leur action. L’étude approfondie de la revue La Houille Blanche a permis d’élaborer une méthodologie visant à repérer les énoncés épars faisant référence au passé dans une revue scientifique et technique sans les déconnecter de leur contexte d’énonciation. L’analyse des 220 articles à teneur historique a permis de caractériser différents archétypes de référence au passé dans cette revue.Le passé constitue aussi une ressource politique pour les différents acteurs impliqués dans les coalitions de cause qui cherchent à faire que les rivières soient considérées comme des milieux vivants à part entière. Les écologues mobilisent le passé de manière heuristique comme contrefactuel de certains impacts humains pour mieux anticiper les potentialités de la restauration écologique. D’autres acteurs mettent en avant une vision idéalisée et patrimoniale des rivières aménagées pour s’opposer à leur restauration. Face à cet usage politique du passé dans les luttes argumentatives autour de la restauration écologique, une recherche intervention a été menée en collaboration avec le Syndicat du Haut-Rhône. S’appuyant sur un diagnostic stratégique de la situation de gestion et du jeu d’acteurs associés, l’intervention a permis de clarifier les différents récits de politique publique existants sur le Rhône. Sur cette base, un récit pluraliste a été élaboré et mis en images afin de faire entendre les différentes voix à l’œuvre, contribuant à rééquilibrer le rapport de force sur le territoire.La thèse souligne la tension entre l'usage instrumental de l'histoire, utilisée comme outil pour des objectifs spécifiques, et la méthode historienne, qui met l'accent sur la critique rigoureuse des sources et la pluralité des récits. Elle affirme que cette méthode, lorsqu'elle est mobilisée stratégiquement, peut devenir une ressource puissante pour légitimer les acteurs engagés dans la restauration écologique. Cette thèse, réalisée en partenariat avec des acteurs de terrain, démontre la pertinence et l'efficacité de la mobilisation de l'histoire comme ressource politique, tout en appelant à une réflexion continue sur les méthodes et les objectifs de cette mobilisation

Résumé / Abstract : This thesis explores the political use of history relating to environmental issues. Anchored in political science, it mobilises environmental history and strategic analysis of environmental management. Its objective is to understand how the reference to the past is used by different actors involved in environmental policies to make their voices heard in argumentative struggles.The thesis first examines how scientists use history in relation to environmental policies. An exploratory literature review reveals that the use of history is not limited to historians. It is also found in approaches based on political ecology, which aim to build narratives considering the oppressed, and in approaches that examine the functioning of socio-ecological systems through contributions from historical ecology. This analysis is supplemented by a qualitative survey of French-speaking historians working on environmental issues to explore their relationship with public action. It identifies four typical interaction situations between history and public action, in which historians play different roles: producing knowledge for society, stimulating new thoughts, cooperating to mutually enrich public action and research, and responding to commissions to inform public action.Scientists in social sciences and ecology are far from the only ones to make the past a political resource. Engineers, who dominate the process of river management and use, also refer to the past to defend progress and legitimize their actions. An in-depth study of the journal "La Houille Blanche" led to the development of a methodology to identify scattered references to the past in a scientific and technical journal without disconnecting them from their context of enunciation. The analysis of the 220 historically significant articles helped characterize different archetypes of reference to the past in this journal.The past also serves as a political resource for various coalitions of actors advocating for the recognition of rivers as living ecosystems. Ecologists use the past heuristically as a counterfactual to human action to better anticipate the potential of ecological restoration. Other actors highlight an idealized heritage vision of managed rivers to oppose their restoration.In response to this political use of the past in argumentative struggles over ecological restoration, an intervention research was conducted in collaboration with the Haut-Rhône Syndicate. Based on a strategic diagnosis of the management situation and the associated stakeholders’ dynamics, the intervention shed light on the various existing public policy narratives about the Rhône. On this basis, a pluralistic narrative was developed and visualized to represent the different voices at play, contributing to a rebalancing of power relations in the territory. The thesis highlights the tension between the instrumental use of history, employed as a tool for specific objectives, and the historical method, which emphasizes rigorous source critique and narrative plurality. It asserts that such a method, when strategically mobilized, can become a powerful resource to legitimize actors engaged in ecological restoration. This thesis, conducted in partnership with field actors, demonstrates the relevance and effectiveness of mobilizing history as a political resource, while calling for continuous reflection on the methods and objectives of this mobilization