Penser la plasticité avec Henri Bergson, à l'ère des neurosciences. Pour une philosophie des relations / Péguy Lumuene Lusilavana ; sous la direction de Philippe Grosos et de Camille Riquier

Date :

Type : Livre / Book

Type : Thèse / Thesis

Langue / Language : français / French

Bergson -- Henri -- 1859-1941 -- Thèmes, motifs

Neurosciences cognitives

Plasticité neuronale

Relations humaines

Apprentissage transformationnel

Classification Dewey : 100

Grosos, Philippe (1963-....) (Directeur de thèse / thesis advisor)

Riquier, Camille (1974-.... ; professeur à l'Institut Catholique de Paris) (Directeur de thèse / thesis advisor)

Worms, Frédéric (1964-....) (Président du jury de soutenance / praeses)

Lapoujade, David (1964-.... ; professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) (Rapporteur de la thèse / thesis reporter)

Université de Poitiers (1896-...) (Organisme de soutenance / degree-grantor)

École doctorale Lettres, pensée, arts et histoire (Poitiers ; 2009-2018) (Ecole doctorale associée à la thèse / doctoral school)

Métaphysiques allemandes et philosophie pratique (2012-....) (Laboratoire associé à la thèse / thesis associated laboratory)

Université de Poitiers. UFR de sciences humaines et arts (Autre partenaire associé à la thèse / thesis associated third party)

Résumé / Abstract : Cette thèse est une enquête sur le concept de plasticité, dans son implication avec le relationnel. En croisant le discours de Bergson avec celui des neurosciences, elle vise à ouvrir l'horizon d'une philosophie des relations intersubjectives. D'une part, la neurobiologie contemporaine a révélé les pouvoirs de transformation du cerveau (N. Doidge). Cette plasticité peut affecter le comportement de l'individu, ainsi que les relations qu'il tisse avec autrui. Comment orienter cette capacité ambivalente vers l'harmonie plutôt que la catastrophe ? Répondre à cette question, c'est décrire les principes de la plasticité, et les distinguer de ceux de l'élasticité, qui implique l'idée de réversibilité. La plasticité signifie plutôt métamorphose irréversible, création de nouveautés. Cette idée est centrale chez Bergson : la vie elle-même est une explosion plastique. D'elle jaillissent des tendances multiples. Le schéma dynamique décrit cette réalité en termes de changement dû à une interaction. Il manifeste le lien entre plasticité et relations. D'autre part, l'évolution du discours des neurosciences est marquée par les enjeux de la plasticité. Le débat entre le matérialisme éliminativiste (P. Churchland) et le fonctionnalisme (J. Fodor), sur le statut de la psychologie du sens commun, en témoigne. Le connexionnisme (P. Smolensky), la dynamique de l'esprit (T. van Gelder) et le cerveau social (M. Gazzaniga) soulignent le caractère plastique et relationnel de la cognition, en se fondant, non pas sur la physique classique, mais sur celle des phénomènes émergeants. Cela permet de passer du cerveau monadique aux cerveaux solidaires, de la question du libre arbitre à celle du lien. On trouve chez Bergson, dans Les deux sources de la morale et de la religion, une illustration de cette plasticité relationnelle, dans l'action des personnes exemplaires, imitables par d'autres.Quatre conversions épistémologiques permettent de développer cette intuition. La première infléchit la catégorie kantienne de la relation, en l'adaptant au régime des relations intersubjectives. La deuxième est une métamorphose relationnelle de la vie et de la pensée (F. Worms). La troisième souligne le statut primitif du relationnel par rapport au culturel (J. Bowlby et D. Winnicott). La quatrième est une inflexion relationnelle de la communication (École de Palo Alto), qui révèle que le changement lui-même est plastique. Il y a un changement du changement, un méta-changement. Ainsi, la plasticité est paradoxale. Elle est créatrice, mais aussi destructrice de formes (C. Malabou). Seulement, il est possible d'agir pour l'orienter dans le sens de la résilience (B. Cyrulnik) et de l'espérance (C. Péguy). Celle-ci n'est pas de l'ordre de l'harmonie préétablie. Elle émerge plutôt d'une initiative intersubjective de diffusion de la bonne plasticité, qui exige un travail d'éducation. Cela pourrait être d'un certain apport dans l'effort de gestion des défis relationnels de notre temps, notamment celui de la radicalisation idéologique.Par ailleurs, le réexamen de la pensée de Bergson à l'aune de la plasticité permet de relire autrement sa philosophie. Ainsi, dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience, c'est le temps qui exploserait pour se transformer en une réalité plus plastique : la durée. Matière et mémoire serait le procès d'une contraction de la mémoire, suivie d'une forte explosion, ayant comme résultat une multiplicité de plans de conscience. L'évolution créatrice décrirait la plasticité de la vie. Il s'agirait de l'explosion, en forme de bouquet, de l'élan vital en plusieurs tendances. Cet éclatement affecterait l'intelligence, produisant quelque chose de nouveau : l'intuition. Dans Les deux sources de la morale et de la religion, ce serait plutôt l'explosion de la personne et de la société. La plasticité serait, dès lors, l'une des intuitions fondatrices de la pensée de Bergson.

Résumé / Abstract : This thesis is an enquiry on the concept of plasticity, regarding its implication with relationships. Enriching Bergson's thought with that of neurosciences, it aims at opening up new prospects of a philosophy of intersubjective relationships.On the one hand, contemporary neurobiology revealed the powers of change in the brain (N. Doidge). This plasticity may affect the behaviour of an individual, as well as the relationships he builds with other people. How can we orientate this ambivalent ability towards harmony rather than disaster? Answering this question means describing the principles of plasticity, and distinguishing them from those of elasticity, which implies the notion of reversibility. Plasticity rather means irreversible metamorphosis, creating novelties. This idea is essential in Bergson’s philosophy: life itself is a plastic explosion. Multiple tendencies emerge from it. The dynamic pattern describes this reality in terms of change owing to an interaction. It shows the link between plasticity and relationships.On the other hand, the evolution of the discourse of neurosciences is influenced by the challenge of plasticity. The debate between the eliminativistic materialism (P. Churchland) and functionalism (J. Fodor), about the status of the ordinary psychology testifies for it. Connectionism (P. Smolensky), dynamic of the mind (T. van Gelder) and the social brain (M. Gazzaniga) underline the plastic and relational character of cognition, not relying on classical physics, but on the one of emerging phenomenons. This allows passing from the monadic brain to solidarity brain, from the issue of free will to the one of the link. In Bergson work, in Les deux sources de la morale et de la religion, we can find an illustration of this relational plasticity, in the acts of exemplary persons, who can be imitated by others.Four epistemological conversions allow us to develop this intuition. The first one modifies Kantian category of relation, adapting it to the system of intersubjective relationships. The second one is a relational metamorphosis of life and thought (F. Worms). The third one stresses the primitive status of the relational in comparison to the cultural (J. Bowlby and D. Winnicott). The fourth one is a relational inflection of communication (Palo Alto School), which reveals that change itself is plastic. There is a change of change, a meta-change. So, plasticity is paradoxical. It is creative, but it may also destroy shapes (C. Malabou). Except that, it is possible to act in oder to orientate it towards resilience (B. Cyrulnik) and hope (C. Peguy). The latter does not belong to pre-established harmony. It rather emerges from an intersubjective initiative of diffusion of good plasticity, which requires educational efforts. This could be a supply to managing the relational challenges of our time, especially ideological radicalization.Moreover, re-examining Bergson's thought referring to plasticity allows us to read his philosophy with a different understanding. Thus, in the Essai sur les données immédiates de la conscience, time would explode to turn into a more plastic reality: duration. Matière et mémoire would be the process of a contraction of memory, followed by a strong explosion, resulting in a multiplicity of levels of consciousness. L’évolution créatrice would describe the plasticity of life. It deals with explosion, in the shape of a brunch, the life force in several tendencies. This bursting would affect intelligence, producing something new: intuition. In Les deux sources de la morale et de la religion, it would rather be the explosion of the person and of society. Therefore, plasticity would be one of the basic intuitions of Bergson's thought.