(In)soumissions en direct. Enquête sur la production d'une autorité "absolue" du chef de l'Etat dans la Russie contemporaine (1990-2018) / Aleksandr Lutsenko ; sous la direction de Cyril Lemieux

Date :

Type : Livre / Book

Type : Thèse / Thesis

Langue / Language : français / French

Putin -- Vladimir Vladimirovič -- 1952-....

Domination -- Russie -- 1990-2020

Élite (sciences sociales) -- Russie -- 1990-2020

Pouvoir (sciences sociales) -- Russie -- 1990-2020

Journalisme -- Russie -- 1990-2020

Obéissance -- Russie -- 1990-2020

Médias -- Russie -- 1990-2020

Lemieux, Cyril (1968-.... ; sociologue) (Directeur de thèse / thesis advisor)

Daucé, Françoise (19..-.... ; politiste) (Président du jury de soutenance / praeses)

Delmotte, Florence (Membre du jury / opponent)

Favarel-Garrigues, Gilles (1969-.... ; politiste) (Membre du jury / opponent)

Heurtin, Jean-Philippe (19..-.... ; politiste) (Membre du jury / opponent)

Quéré, Louis (1947-....) (Membre du jury / opponent)

Université de Recherche Paris Sciences et Lettres (2015-2019) (Organisme de soutenance / degree-grantor)

École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales (Ecole doctorale associée à la thèse / doctoral school)

École des hautes études en sciences sociales (Paris ; 1975-....) (Autre partenaire associé à la thèse / thesis associated third party)

Résumé / Abstract : Comment se constitue un pouvoir politique réputé "absolu" là où dans la séquence historique immédiatement antérieure le chef de l’Etat ne jouissait pas d’une position prééminente ? Norbert Elias avait placé cette énigme au cœur de ses réflexions dans La société de cour. L’ambition de cette thèse est de la reprendre à partir d’un tout autre contexte socio-historique et sur une temporalité plus courte : en s’inspirant de la démarche éliasienne mais aussi de la sociologie pragmatique et de certains apports de l’ethnométhodologie, il s’agit de comprendre, d’une manière sociologique, comment, en l’espace d’à peine deux décennies, un rapport de domination politique particulièrement marqué a pu s’instaurer en Russie entre le chef de l’Etat et les magnats de l’économie. Pour répondre à cette question, la thèse se centre sur une forme particulière de cérémonial où la déférence à l’égard du chef de l’Etat peut être observée publiquement - les interviews télévisées avec des membres des élites économiques - et développe trois arguments. Fondé sur l’analyse d’un corpus d’émissions diffusées sur la chaîne de télévision publique Rossiya 24 et sur celle, « indépendante », Dozhd, aussi bien que sur les entretiens « exégétiques » avec les intervieweurs de deux chaînes, l’enquête démontre que la domination du chef de l’Etat repose pour une part essentielle sur la croyance collective, partagée au sein des élites, en un ensemble de règles – le pacte – qui prescrivent de quelle façon il convient de traiter la personne du Président dans l’espace public. La thèse montre ensuite la place centrale qu’occupent les médias dans la reproduction de l’ordre politique aujourd’hui en Russie. Ceux-ci se présentent comme le théâtre où se constitue la croyance des élites dans le pouvoir « absolu » du président. Afin de le montrer la thèse étudie, à l’aide d’entretiens réalisés avec les journalistes et les responsables des deux chaînes de télévision concernées, le dispositif matériel et organisationnel de ces chaînes. Finalement, à travers l’analyse d’un corpus de données de presse et de documents audiovisuels, la thèse montre que l’effort de soumission au chef de l’Etat, que les membres des élites économiques russes manifestent de plus en plus nettement dans certaines situations publiques à partir des années 2010 s’explique par la transformation de la sensibilité et de l’habitus psychique propre au groupe social des oligarques – transformation elle-même liée à l’évolution de la « balance des pouvoirs » au sein des élites au cours de la décennie 2000.

Résumé / Abstract : How a political power deemed “absolute” is established where during the previous historical period the chief of the state could not not enjoy such a pre-eminent position? Norbert Elias had placed this question at the heart of his reflections in The court society. The idea of this thesis is to apply the Eliasian question to a different socio-historical context. Drawing inspiration from the Eliasian approach, but also from pragmatic sociology and ethnomethodology, this thesis aims to understand how a system of the relations of domination between the head of the state and the tycoons could form in Russia in less than twenty years. To answer this question, the thesis focuses on a particular form of publicly observable ceremonial of deference towards the head of the state - television interviews with members of the economic elites. The thesis develops three arguments. Based on the analysis of a corpus of programs broadcasted on the public television channel Rossiya 24 and on the "independent" channel Dozhd, as well as on the "exegetical" interviews with interviewers of two channels, the thesis demonstrates that the domination of the head of the state is based on the collective belief, shared among the members of elites, in a set of rules which prescribe how the person of the president should be treated in the public space. Secondly, the thesis shows the central role played by the media in the reproduction of the political order in Russia. The media can be seen as the theater where the belief in the "absolute" power of the president is formed. In order to show this, the thesis studies the organization of the two television channels through interviews with journalists and officials of these channels. Finally, through the analysis of a corpus of press and audio-visual documents, the thesis shows that the effort of submission to the head of the State, that the members of the Russian economic elites manifest more and more clearly in certain public situations in recent years, can be explained by the transformation of their psychic habitus and sensibility. This transformation is related to the evolution of the "balance of powers" within the elites during this decade.